L'Autre, par Eva Mazur

Il est celui dont on croit être le miroir
Celui de qui on recherche toujours le regard
C’est dans ses yeux qu’on grandit
C’est dans son cœur qu’on murit

Un autre.
Il est celui dont on imagine l’espoir
Celui qui d’un mot peut semer le grand bazar
C’est dans ses verbes qu’on s’accepte
Et dans ses phrases qu’on se rejette

Pour l’autre.
On lui donne tout, surtout ce long voyage en nous
Et on lui dit des fois : « Qu’est-ce que tu es relou ! »
C’est dans sa peau qu’on s’effleure
Et dans son dos qu’on pleure

Chez l’autre.
Il est celui pour qui tout le monde se cache
Celui de qui on craint souvent le coup de hache
Car par ses torts on se ronge
Et à sa mort donc on songe

À l’autre.
Celui qui sait toujours mieux ce qu’est la vie, la piste
Celui qui te dit qui est le fou de l’artiste
C’est dans son âme qu’on devient
Mais sur le tard qu’on s’étreint

Avec l’autre.
Celui qui se couche en toi comme sur du papier
Celui qui crie : « Tiens-moi ! Tiens-moi fort ! Je perds pied ! »
C’est dans ses bras qu’on console
C’est dans ses rires qu’on s’envole

Près de l’autre.
Celui qu’on aimerait aimer partout en frère
Mais qu’on accuse souvent d’être la galère
C’est à son cou qu’on se pend
À ses genoux qu’on s’éprend

De l’autre.
Celui qui nous émeut sans raison apparente
Celui qui peut nous aider à remonter la pente
C’est à son sort qu’on se fier
À sa grâce qu’on se soumet

Et que demain ne nous retienne plus d’être l’autre
Comme autant de rayons d’un soleil trompeur
Qui nous fait dire « Mien » alors que nous sommes « Nôtres »
Qui nous fait dire « Je » sous l’effet de nos leurres

Puissions-nous ressentir qu’il n’y a qu’un reflet
Quand le soleil demain se lèvera pour mimer
L’éternelle union sacrée du vent et du temps
Tout s’aimera : parents, voisins et océans !