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On n'est pas tout seul

Aujourd'hui j'ai rencontré avec Emeline, une collègue Infirmière, Dorian [1], un usager accompagné par notre équipe de réhabilitation psychosociale. J'occupe toujours le rôle de l'observateur dans ces entretiens, même s'il m'arrive parfois de prendre la parole comme je l'expliquerai plus loin.

Le premier contact est hésitant, voire froid. Dorian souffre d'une schizophrénie diagnostiquée il y a quelques mois. Comme à chaque fois que je rencontre un usager que je ne connais pas encore, je me présente comme Pair-Aidant en santé mentale et j'explique mon rôle : atteint moi aussi de troubles psychiques, je suis là pour créer un lien supplémentaire entre les usagers et les soignants. Comprendre : renforcer l'alliance thérapeutique.

L'objectif de cet entretien était de faire le point sur le Plan de Suivi Individuel de Dorian. C'est un outil que j'aurais le plaisir de décrire plus tard, quand je serai plus à l'aise pour le présenter.

C'est dur d'accepter la maladie, ça fait du bien de savoir qu'on n'est pas tout seul – Dorian

Au cours de l'entretien, je profite du moment où ma collègue prend des notes pour tendre une perche à l'usager et le faire parler sur différents sujets. Ca permet à Emeline d'étoffer ses notes et à Dorian d'être sûr de bien se faire comprendre. J'ai ainsi appris que Dorian écrivait pour évacuer ses idées de colères, ce qui constitue un atome crochu supplémentaire entre nous ; l'écriture faisant également pour moi office de catharsis.

Chérie chaque fois que j'écris c'est des crimes que je désamorce – Nekfeu

Je lui ai proposé qu'il me fasse lire ses travaux sans que l'on convienne de quoi que ce soit. Chaque chose en son temps, ce n'était qu'une première rencontre.

Dorian a exprimé à plusieurs reprises le désir d'aller marcher à l'extérieur, ce qui me conforte personnellement dans le projet Marcher et Parler que j'aimerais mettre en place prochainement.

L'opération fut un succès car Dorian s'est davantage ouvert lorsqu'on a commencé à marcher, notamment à propos de son questionnement sur son identité sexuelle. Sans rentrer dans les détails, je lui ai répondu que c'était naturel de se poser ces questions à son âge, que toute personne, malade ou non, doit se faire sa propre expérience pour connaître ce qui lui convient le mieux.

Au final, son transport attendait pour le prendre en charge donc on a stoppé la promenade mais je pense que j'aurais plaisir à marcher de nouveau aux côtés de Dorian pour démêler ensemble le fil de sa vie et le faire cheminer vers la voie du rétablissement.


[1] Nom d'emprunt utilisé pour préserver l'anonymat de l'usager