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Heureux et Perché : Raison d'être et plan d'action

Heureux et Perché : Raison d'être et plan d'action

Contexte : Je m'appelle Mathieu Mescam, je suis le rédacteur d'Heureux et Perché, le média qui veux vulgariser et déstigmatiser les troubles de santé mentale. Mon travail quotidien consiste à partager mon expérience des troubles avec lesquels je vis, et accompagner les usagers de l’Équipe Ambulatoire de Réhabilitation Psychosociale du CHU de Brest (EARPS). J'ai des dizaines d'autres idées de projets en tête, dont certains devraient voir le jour dans un avenir proche. Mes propos n'engagent que moi et en aucun cas mon employeur.

Du job alimentaire à la psychiatrie

Comme je l'ai déjà dit ailleurs, je travaille depuis 2008. A cette période, le travail consistait à planter puis arracher des échalotes. Une fois passé mes 18 ans, ce sont les portes des usines agro-alimentaires qui se sont ouvertes à moi. Ensuite vient la première expérience en start-up, puis la première expérience en grand groupe. Suivent plusieurs tentatives en tant que travailleur indépendant et de créateur d'entreprise.

Parmi toutes ces expériences, aucune d'entre elles n'a duré plus de 12 mois. J'allais de Contrat à Durée Déterminée (CDD) en prestations d'auto-entrepreneur en passant par le travail non déclaré. Aucune d'entre elles n'a duré plus de 12 mois car à chaque expérience, je devinais un manque d'efficacité dans les organisations pour lesquelles je travaillais. Toutes les tentatives pour corriger ces dysfonctionnement sont restées vaines.

En parallèle de ces nombreuses expériences professionnelles j'ai vécu plusieurs séjours en hôpital psychiatrique :

  • en 2017 (pour excès d'alcool et de drogues de synthèse)
  • en 2019 (à cause d'accident de la circulation)
  • en 2021 (pour excès de cannabis)

De l'usager en psychiatrie au rôle de pair-aidant

Au début de mon histoire avec la psychiatrie, en 2016, je me souviens d'une première ordonnance de mon médecin de famille, que je résume de mémoire :

Veuillez recevoir M. Mescam pour un second avis médical. Il se sent perdu et ne trouve pas sa place dans le Monde. Il a un bon niveau en informatique – Dr Raymond Abalain

Quel rapport entre mon éventuel "bon niveau en informatique" et mon état psychique ? Ça fait près de 10 ans et je n'ai toujours pas la réponse !

Suite à ça j'ai continué mon petit bonhomme de chemin jusqu'à chuter de nouveau et avant de consulter une psychothérapeute. En quelques séances, elle avait réussi à me parler de sur-efficience mentale et à me faire acheter un livre de développement personnel écrit par une autrice plutôt controversée à cause de sa proximité avec une sorte de mouvement sectaire dont je tairais le nom pour éviter de leur faire de la publicité.

En 2017 j'ai décompensé et passé une semaine dans un service de psychiatrie à l'hôpital de Bohars, où j'ai été mis à la porte grâce à mon refus de prendre le traitement médicamenteux que l'on m'avait prescris à l'époque. Je me rappelle encore demander à l'interne du service s'il n'y avait pas d'autres solutions que les médicaments pour soigner ma maladie. Je me rappelle encore les soignants insistaient pour que je prenne ma dose de pilules.

En quête d'occupation entre deux promenades, j'écrivais. Beaucoup. BEAUCOUP TROP. En tous cas, pour les soignants qui me suivaient à l'époque ; qui m'ont appris que c'était un symptôme, la graphorrhée (comprendre diarrhée écrite). Et aussi qu'on ne vient pas dans un service de psychiatrie pour écrire un livre. De mon côté, j'étais dans un safe space pour apporter les premières lignes de ce qui allait devenir NONLIVRE, mon premier projet d'écriture à peu près abouti.

2018 a été l'année la plus riche en apprentissages. Je travaillais pour une startup qui développait une plateforme d'intérim innovante : Side. J'y ai occupé le poste d'Agent de Support Client pendant 9 mois, juste le temps nécessaire de me rendre compte que j'étais en plein burnout. Surmenage, d'accord, mais pas question de montrer que la maladie diminuait mes facultés cognitives !

En 2019 j'ai de nouveau décompensé et mal négocié un virage en voiture. Talus : 1 ; Saxo : 0 ; Mathieu : Haut Perché. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de cette hospitalisation. En tous cas pour ce que je m'en rappelle, c'était particulièrement violent. Contention, isolement, hospitalisation sous contrainte. On arrive dans les arkanes sombres de la psychiatrie en France.

Ce que j'en retiens ? "On vous écoute". Mais qui ça, on ? Bref, passons.

2020 : La crise Covid arrive bientôt et j'ai la bonne idée d'arrêter mon traitement. J'ai vraiment bien profité des périodes de confinement, et redécouvert des activités que j'avais étant gamin.

2021 : dernière décompensation en date. En plein sevrage de cannabis, je perds le contrôle et décide de me diriger vers les urgences psychiatrique de la Cavale Blanche. On m'y accompagne volontiers ; un grand MERCI à mon Ange Gardien !

La suite ? 3 mois d'hospitalisation en service de psychiatrie à Morlaix-même, puis 1 an et demi en centre de réadaptation psychosociale à Roz Ar Scour, en pays de Morlaix . Depuis lors, je prends quotidiennement un traitement que l'on ajuste, petits pas par petits pas. Lentement mais sûrement.

Le reste de l'histoire fait partie d'un passé si présent que j'en retiens peu de choses si ce n'est les crises d'angoisse à répétition et heureusement, d'un autre côté, le mieux-être. J'ai la chance de venir d'une grande famille qui malgré ses susceptibilités reste soudée. On est ensemble, comme dit mon cousin Loïs.

Apporter un soutien aux personnes touchées par un trouble psychique

Aujourd'hui, je suis sur la longue voie du rétablissement. J'ai finalement trouvé une occupation qui semble bien me convenir.

Le métier de Pair-Aidant en santé mentale me permet notamment de :

  • Partager mon expérience du parcours de soin, de la première décompensation à la voie du rétablissement en passant par la rupture thérapeutique ;
  • Poser un œil nouveau et non-médicalisé, hors du moule soignants, sur des parcours d'usagers qui peuvent se montrer complexes ; ce qui est précieux pour mes collègues qui peuvent ainsi se remettre en question plus facilement si nécessaire ;
  • Honorer les principes de la réhabilitation tels que décrits dans la littérature.

Aujourd'hui, les relations avec mes collègues se passent bien. Les challenges de l'équipe sont stimulants, malgré un ensemble d'enjeux et de problématiques qui consomment une certaine charge mentale. Par exemple : le manque d'équipements et de locaux dédiés à notre activité nous demande chaque jour de s'adapter au conditions matérielles de notre lieu de travail. Heureusement que le déménagement dans les nouveaux locaux, c'est pour bientôt™.

La vie est belle dans le meilleur des mondes possibles

Je vis une pente ascendante depuis plusieurs mois. Il y a toujours quelques petites crises d'angoisse qui viennent me rappeler qu'on ne guérit pas de ce dont je souffre, on apprend simplement à vivre avec.

En tant qu'individu qui cherche à faire partie de la solution plutôt que du problème, il y a encore beaucoup de questions dans le monde d'aujourd'hui qui m'interpellent. J'estime que ma contribution au monde devrait consister à réduire les souffrances de mes pairs.

J'aime l'idée selon laquelle on vit dans le meilleur des mondes possibles car on n'a pas toujours le choix de ce qui nous arrive, mais chaque expérience est bien souvent source d'apprentissages. Il s'agit d'essayer par la positivité de construire le monde dans lequel on veut vivre demain.

En lisant et en vous abonnant à Heureux et Perché, vous contribuez au financement des projets que je compte mener dans les années à venir, projets que je considère importants pour le devenir d'une société inclusive qui ne laisse pas sur le côté ceux qui ont le plus besoin d'accompagnement.

En résumé, Heureux et Perché s'efforce d'agir en vue de :

  • Dé-stigmatiser : les sociétés modernes dans lesquelles nous vivons peinent à intégrer les personnes différentes dans leur fonctionnement, en partie à cause d'images erronées des troubles de santé mentale véhiculées notamment dans les médias et par l'industrie du cinéma.
  • Éduquer : l'éducation du grand public est l'épine dorsale de nos sociétés modernes, et je crois fermement qu'il est nécessaire d'enseigner au plus grand nombre le b.a.ba des soins de premiers secours en santé mentale.
  • Vulgariser : la dé-stigmatisation et l'éducation du public ne vont pas se faire toutes seules. La création de contenus et d'actions à des fins de vulgarisation et la proposition d'actions de sensibilisation aux troubles de santé mentale semble être une bonne façon de procéder pour avancer sur ces thématiques.

Ce n'est que le début

Merci pour votre attention, vos remarques, réflexions, et votre éventuelle contribution. Il n'y a pas d'histoire sans vous. J'espère que les propositions d'Heureux et Perché vous plairont et que vous en aurez pour votre argent si vous décidez de soutenir le projet !

À bientôt lors d'une prochaine Bibliothèque Vivante, ou à La Maison Perchée !

Il m'arrive de flâner à Brest au Beaj Kafe, aux Capucins ou à La PAM, voire au SEW à Morlaix. Si vous êtes habitués de ces lieux, on a des chances de s'y croiser !

Mathieu