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Rendez-vous par email : Anne

Anne Saint-Cast est la Présidente et Fondatrice de l'association Bipol'Air 22. Anne est également Paire-aidante et Formatrice en santé mentale


Q : Bonjour Anne, j'espère que vous allez bien. Pouvez-vous me dire ce qui vous as conduit à la fondation de l'association Bipol'Air 22 ?

R : Lorsque j'ai emménagé dans les Côtes d'Armor, j'ai souhaité continuer à agir en tant que bénévole dans une association qui vient en aide aux personnes atteintes de troubles bipolaires et à leurs proches. J'étais bénévole dans une autre association depuis plusieurs années, en visio du fait de la distance, mais le contact avec les personnes me manquait. Je n'ai trouvé aucune association entre pairs en Bretagne.  Après avoir beaucoup réfléchi à ce que cela pouvait impliquer pour moi en termes d'activité, d'heures de travail, de fatigue, de besoins pour l'asso, j'ai fini par me lancer, persuadée que la demande serait présente.


Q : En général, à quoi ressemblent vos journées ?

R : Je fais relativement attention à suivre un rythme régulier : lever , coucher, repas, prises de traitement (...) autour des mêmes heures tous les jours, je fais 2 belles balades avec mon chien (matin et après-midi), des sorties avec mon homme, un coup de fil de ma fille à la fin de ses cours (elle vit en région parisienne avec son père). J'ai absolument besoin de 8 à 9 heures de sommeil. 

En dehors de ça, l'association me prend beaucoup de temps : son organisation, la coordination des bénévoles, les réponses aux mails mais aussi la participation à des groupes de travail avec des professionnels de santé, la sensibilisation des pouvoirs publics au niveau du département... C'est quasiment un travail à plein temps, et non rémunéré ! Parfois, en fonction de ma santé physique, j'ai besoin de lever le pied, alors j'essaie de me faire passer d'abord. Ce n'est pas toujours évident, mais si je ne suis pas en forme, l'asso ne sera pas en forme non plus ! Je suis en invalidité, mais je ne m'ennuie jamais : il faudrait même que mes journées aient 10 heures de plus si j'arrivais à tenir le coup !

De façon plus sporadique, je me forme pour être plus efficace au contact des adhérents, et je prodigue des formations à la santé mentale à un public paramédical, social et médico-social


Q : Avec quels outils travaillez-vous ?

R : En ce moment, je travaille avec la boîte mail de l'asso et la mienne, Google Drive, le téléphone de l'asso, l'appli Business Suite de Meta (qui me permet de publier à la fois sur Instagram et sur Facebook), LinkedIn quand j'y pense, Canva et le Google Agenda. Et bien sûr, je travaille avec les têtes pensantes qui m'accompagnent, à savoir les 4 bénévoles qui œuvrent pour Bipol'Air 22.

J'aimerais créer un site web pour une meilleure visibilité, mais je manque de temps pour écrire les pages. Et ensuite, je devrai me mettre en recherche d'un webmaster.


Q : Qu’est-ce qui a particulièrement attiré votre attention récemment ?

R : Je ne me tiens plus au courant de l'actualité : elle a un effet particulièrement anxiogène sur moi. Malgré tout, avec la vie que je mène en ce moment, il m'est arrivé d'écouter des rediffusions d'émissions intéressantes (Grand bien vous fasse, Grand Canal, Zoom zoom zen...) mais uniquement dans ma voiture, en allant chez le kiné, sur le lieu d'une balade, faire mes courses... Ce qui a donc attiré mon attention, c'est qu'en ce moment, je prends le temps pour ma fille (en vacances avec moi et c'est tant mieux !), pour mon homme, pour mon chien, pour l'asso et ses adhérents, mais je me suis complètement oubliée. Et malheureusement, j'attends souvent qu'il soit presque trop tard pour rectifier le tir (d'être exténuée, d'être angoissée, de manquer d'énergie...). C'est quelque chose que je dois encore travailler dans mon "hygiène de vie", que je n'ai pas encore acquis : la préservation de moi-même et l'écoute de mon corps tous les jours.


Q : De quoi êtes-vous la plus fière ?

R : Ce qui vient automatiquement à mon esprit quand je lis cette question, c'est ma fille : je suis fière que, malgré les troubles bipolaires, malgré les hospitalisations, les crises, les tentatives de suicide, ma fille aille bien. Elle aura bientôt 18 ans, le diagnostic est tombé quand elle avait 11 ans, ma première hospitalisation (qui a duré 8 mois !) quand elle en avait 6. Nous parlons de ce sujet très ouvertement, pour qu'elle sache, qu'elle comprenne et qu'elle ne culpabilise pas. Elle est équilibrée, a une vie saine, avec des amis, de bons résultats scolaires, des activités en dehors du lycée, etc... Alors oui, je suis fière d'elle, et je suis surtout fière du fait que son père et moi ayons réussi à faire en sorte qu'elle soit heureuse.

Et après elle, forcément, je suis fière de moi, de tout ce que j'ai accompli pour me rétablir, de la lutte acharnée que j'ai menée, du fait que je n'ai jamais lâché, même si parfois j'aurais aimé baissé les bras, de la transmission de mes savoirs expérientiels au sein des formations que je dispense ou au sein de l'association, du fait qu'aujourd'hui, même si je ne travaille pas, j'arrive à m'épanouir dans une activité au quotidien.


Q : À quels problèmes faites-vous face au quotidien ?

R : En ce moment, je vis avec des troubles cognitifs assez handicapants : ma mémoire est défaillante, j'ai parfois du mal à trouver mes mots et j'ai un gros problème d'organisation et de planification. Tout ça me fatigue beaucoup (et la fatigue entraîne des troubles cognitifs) et m'empêche de faire correctement ce que j'aimerais accomplir. Je perds un temps fou, je dois tout noter, je suis brouillon et j'en arrive à m'énerver (inutilement, forcément !) après moi.

De plus, je dois faire face à des problèmes de santé invalidants. Rien de grave, mais ils provoquent fatigue également et ruminations anxieuses... qui peuvent provoquer des troubles cognitifs ;o)

Sinon habituellement, j'ai du mal à entrer en contact pour me lier d'amitié par exemple : je ne sais pas bien comment fonctionnent les codes sociaux, et il est parfois difficile pour les personnes qui ne le vivent pas de s'adapter. Alors je me sens parfois isolée.


Q : Qu’est-ce que vous faites quand tout va mal ?

R : Déjà j'ai appris à voir que "tout va mal" ne m'arrive jamais complètement. Et que s'il m'arrive de le croire, ce n'est qu'une croyance, une impression. Il y a toujours quelque chose qui va bien. Alors j'essaie de penser au positif pour pouvoir aller de l'avant.

Ensuite, j'en parle : à mes thérapeutes (je raccourcis les délais entre 2 séances), à mon compagnon, à mon chien (et oui !), ne serait-ce que pour me libérer, et je pleure un bon coup, chez moi, ça va avec ;o). Ensuite je fais une pause : je reporte ce qui peut être reporté, je délègue et je prends enfin soin de moi - repos, grand air, Netflix. Et peu importe le temps que ça prend : il m'est nécessaire.

Et pour finir, je reprends le taureau par les cornes : je liste ce que je dois affronter, ce que j'ai à faire, je priorise et si possible, je me fais aider quand je n'y arrive pas seule.


Merci pour votre contribution Anne ! Ce témoignage est précieux. On se retrouve sur un prochain événement breton autour de la santé mentale ? D'ici là, j'espère que la vie sera douce avec vous ❤️