Rendez-vous par email : Isa
J'ai rencontré Isa à l'occasion de la Licence Sciences Sanitaires et Sociales parcours Médiateur de Santé-Pair à l'Université Sorbonne Paris Nord, à Bobigny. Elle a souhaité répondre spontanément à mes questions et je lui en sui infiniment reconnaissant !
Salut Isa, j'espère que tu vas bien. Peux-tu nous dire ce qui t’a conduit à la Pair-Aidance ?
C’est mon parcours de vie qui m’a menée à la Pair-Aidance Après mon bac, je me suis dirigée vers des études de psycho. Malheureusement, mes troubles se sont déclenchés et il m’a été de plus en plus difficile de concilier les séjours en HP, un coup comme soignante, un coup comme patiente. Il y a eu des années d’errance médicale. Non pas pour trouver le bon diagnostic, mais pour trouver les bon traitement. Une quinzaine d’années… C’est long !
J’ai décidé d’arrêter mes études de psycho pour plusieurs raisons. La principale étant les troubles, une autre étant la peur d’être trop proche de mes patients car j’ai un besoin énorme de connexion.
J’ai exercé en tant que maquilleuse professionnelle par la suite. Les milieux (mode, cinéma) sont particuliers et il y a une grande dimension psychologique. Il faut savoir jongler avec tous ces ego ! Les réalisateurs sont vraiment des personnes très particulières… Et les comédiens ont vraiment besoin d’être soutenus et rassurés, quand, entre deux prises, ils passent entre mes mains.
Bref, c’est un monde particulier, qui peut faire rêver… Cependant, quand on le connaît de l’intérieur, il n’y a plus rien à envier…
J’ai fait une crise, pendant le premier confinement, à la suite de laquelle, il n’était plus possible pour moi de pouvoir retourner travailler. Le confinement n’a pas joué en ma faveur et j’estimais avoir fait le tour de ces milieux. Puis, il aurait fallu tout reprendre à zéro, ou presque.
J’ai donc traversé une période très difficile. Ma vie n’avait plus aucun sens. Il faut savoir que c’est à la suite de cette dernière hospitalisation seulement que mon traitement a été trouvé. Je ne savais pas encore qu’il allait changer radicalement ma vie et j’étais prisonnière de ma dépression. Je ne faisais que boire du café et fumer des clopes de ma journée pendant pas mal de temps... Quand je ne regardais pas le plafond…
Je garde un souvenir terrible de cette période. Je me sentais prise au piège et sans avenir. J’ai malgré tout entamé, à cette même période, une nouvelle thérapie qui m’a permis de ne plus couler, mais de boire la tasse.
Je me suis centrée sur moi et sur mon rétablissement pendant 3 ans. Je suis sortie des ténèbres en adoptant un chien. Elle m’a sauvée la vie ! C’est le compagnon de ma vie et je crois fortement en la zoothérapie !
Je pensais ne plus jamais travailler. Condamnée à rester à l’AAH et à errer avec mon chien dans les rues de Paris, à vie… !
La thérapie et moi faisions notre chemin ensemble. J’ai commencé à me sentir mieux. Assez pour de nouveau investir le futur !
Mais quelle angoisse le futur ! Il y a de quoi s’interroger sur le sens de la vie… Alors oui, donner du sens, c’est là que tout se joue !
Que pouvais-je faire à mon échelle pour donner un sens plus profond à ma vie et faire avancer des causes qui sont primordiales pour moi ? Apporter ma petite pierre à l’édifice, en somme. J’ai pas trouvé tout de suite. En parallèle, j’ai gardé contact avec des usagers avec lesquels j’avais été hospitalisée. C’est tout naturellement qu’on est pairs aidants les uns auprès des autres.
Un jour, j’ai enfin pris la décision de taper « pair aidant » dans Google. Je suis tombée, de fil en aiguille, sur la formation de médiateur santé pair. Bingo ! Ça me parle ! Enfin ! Mais je me sentais pas prête ! Étais-je assez avancée dans mon parcours de rétablissement ? Etais-je légitime ? Qu’avais-je à apporter de plus qu’une autre personne ? Bref, il y a eu de longs temps de réflexion et de prises de tête…
Je me suis quand même renseignée sur la licence. Idéalement, je m’accordais une année de plus pour me rétablir avant de la faire. Mais… Sur un coup de tête, un matin, j’ai postulé pour cette année… Et me voilà ! Ce n’est pas chose commune qu’un handicap joue en votre faveur. Mes années de calvaires prennent enfin du sens.
Je peux transmettre sur mon expérience de la maladie, du long parcours qu’est le rétablissement, m’accorder cette connexion tant redoutée auparavant, apporter un brin d’espoir à mes pairs et faire entendre nos voix en tant qu’usagers ! Une minorité qui a du mal à se faire entendre, comme toutes les minorités…
Aujourd’hui, je me sens enfin à ma place !
Passionnée, déterminée et engagée, j’aime me surprendre à penser, qu’ensemble, nous avons tout à démolir pour tout reconstruire !
En général, à quoi ressemble tes journées ?
Je me réveille et je fais de gros câlins à mon chien. Puis je m’occupe d’elle. Elle passe avant mon mec, bien évidemment ! Ensuite, cafés-clopes tout en faisant ma revue de presse et en me prenant de grosses claques dans la gueule par la même occasion ! De quoi être bien remontée pour le restant de la journée ! Ensuite, ça dépend de si je bosse ou pas. On va faire la journée type où je bosse pas.
Je passe beaucoup beaucoup de temps à boire du café et à fumer ! J’écoute des podcasts, je lis des articles, des livres, je regarde des trucs, j’écoute du son, je dessine… Bref, je chill.
J’essaye aussi d’écrire une heure par jour depuis quelques temps et c’est pas évident ! Je sors ma petite. On se promène. J’en profite pour prendre des photos. On joue à la balle. Je fais beaucoup de nouvelles rencontres grâce à elle et on a notre petite vie de quartier !
Généralement, quelqu’un passe à la maison. C’est souvent animé chez moi ! Et quand c’est pas chez moi, je sors voir les copains ! Si c’est le week-end… Alors là ! C’est soirée ! J’adore faire la fête !
Si on est en semaine, il m’arrive d’aller régulièrement au ciné. Je sors la petite une dernière fois, vers 23h30, et, ensuite, je me cale devant une série ou un film…
Mes journées sont aussi ponctuées par des coups de fil à « mon jumeau ». La distance nous séparant, mais, étant inséparables, nous passons pas mal de temps au tel ! Je me couche assez tard car j’aime la quiétude de la nuit.
Je ne sais pas si on peut dire que c’est vraiment une journée type, mais grosso-modo, voici ce que je fais de mes journées ! Je me bats au quotidien contre un vide immense que j’essaye de combler comme je peux et il y a aussi une grande place à l’improvisation !
Qu’est ce qui a particulièrement attiré ton attention récemment ?
La question aurait plutôt dû être posée dans l’autre sens ! Haha Suivant de près l’actualité, cette dernière attire mon attention tous jours et j’en pleure de rage !Croyez-moi !
De quoi es-tu la plus fière ?
De mes amis. Je serai rien sans eux.
À quels problèmes tu fais face au quotidien ?
Je fais face au quotidien à mes problématiques de borderline. Je suis encore loin d’être tirée d’affaire et c’est ce qui m’handicape le plus dans ma vie. Il faut du temps et du travail !
Qu’est ce que tu fais quand tout va mal ?
Je pleure et je fais encore des bêtises… ! No comment !
Merci pour ton dévoilement Isa 🤓 On se retrouve bientôt sur les bancs de la fac !