Rendez-vous par email : Maximilien
J'ai rencontré Maximilien à l'occasion de la Licence en Sciences Sanitaires et Sociales Parcours Médiateurs Santé-Pair de l'Université Sorbonne Paris Nord à Bobigny. Il est également bénévole à La Maison Perchée et Youtubeur.
Hello Maximilien, j'espère que tu vas bien ! Dans un premier temps, peux-tu nous dire ce qui t'as conduit à YouTube ?
Ce qui m'a mené sur YouTube, c'est le fait d'avoir pu témoigner grâce à Positive Minders et Les Journées de la Schizophrénie.
J'ai compris que mon vécu pouvait aider plein de personnes, et que personnellement cela aussi me faisait du bien de pouvoir m'exprimer facilement, c'est libérateur pour moi. Faut savoir que j'ai longtemps caché mon mal-être et ma pathologie. Ce qui m'a fait souffrir. A qui en parler ? Et comment ?
Pour éviter de faire peur, d'être rejeté. D'autant plus qu'à la base je suis un grand timide, j'ai beaucoup travaillé dessus, j'ai dû sortir de ma zone de confort pour m'exprimer publiquement, c'est un vrai challenge pour moi, même encore aujourd'hui. Du coup vu que ça me faisait du bien de parler de mon parcours et que ça pouvait aider, j'ai lancé ma chaîne YouTube.
A la base de la base j'avais fait 2 vidéos YouTube pour parler de mes 2 recueils de poèmes. Puis c'est seulement des années après que je me suis vraiment lancé sur YouTube pour parler de schizophrénie en exposant ma propre pathologie.
C'est aussi montrer aux autres qui ont ce diagnostic, mais aussi aux proches qu'il y a de l'espoir d'une vie meilleure, mais cela nécessite du temps et du travail à faire sur soi. Avec les retours réguliers que j'ai sur ma chaîne, cela me motive à continuer de faire des vidéos, cela permet également de lutter contre la stigmatisation. C'est encore une pathologie qui est encore méconnue du grand public, même s'il y a eu des efforts de faits à ce sujet, mais la stigmatisation reste.
Je dirais même qu'il y a de l'auto-stigmatisation. J'entends des personnes se présenter comme "Bonjour, je suis schizophrène". Moi-même au début je pouvais me définir comme cela. Mais c'est dur ! On est pas une maladie, on est une personne avant tout. On entend encore régulièrement dans les médias "Un schizophrène à tué". Je comprends après que les gens flippent. Ils ne connaissent pas, ou du moins seulement à travers les médias, les films, les romans (je suis tombé sur un bouquin que j'ai pris au pif dans une boutique pour faire une blague à quelqu'un, et là je lis la 4éme de couverture et ça parle d'"un schizophrène qui tue des gens" classique quoi, ça m'a mis hors de moi à ce moment-là) et les reportages tournés dans des UMD.
Ce que les gens ne savent pas c'est que des personnes ayant un diagnostic de schizophrénie il y en a forcément autour d'eux, dans leur famille, mais même là où ils sortent. Et pourtant il n'y a pas de meurtre à chaque fois que je sors de chez moi. YouTube est un moyen d'expliquer tout ça, et je me dis qu'aujourd'hui, du chemin j'en ai fait, mais il en reste encore et que ce chemin s'arrêtera quand je partirai... Sauf s'il y a une suite ! En tout cas, j'espère que mes vidéos pourront aussi permettre à d'autres de s'exposer, de se livrer et partager leur connaissance ainsi que leur parcours de vie.
En général, à quoi ressemblent tes journées ?
Alors en ce moment je travaille à temps plein en tant que Médiateur de Santé Pair en psychiatrie adulte dans un hôpital de jour du CHU de Caen. Donc j'accompagne des personnes dans leurs parcours de rétablissement, je co-anime des ateliers thérapeutiques divers et variés (peinture, gestion des symptômes, relaxation, activités sportives etc.) avec des collègues.
C'est un travail qui est très valorisant d'autant plus que les usagers comprennent pourquoi je suis là, mais je suis aussi valorisé par mes collègues qui eux aussi ont compris pourquoi j'étais là et eux voient aussi ce que j'apporte. C'est à dire que j'ai des retours positifs, les usagers peuvent se sentir mieux compris à certains moments et peuvent livrer des choses qu'ils n'avaient jusque là jamais livrés à mes collègues. Donc, je travaille aussi sur 2 gros projets, je dirai même 3 avec les SISM qui approchent. Mais pour les 2 premiers c'est un groupe de parole, jusque là rien de très innovant, mais je suis convaincu de son utilité, même si j'ai pensé à apporter ma patte pour le déroulement des séances.
L'autre projet c'est de mettre en place un atelier jeu de rôle, c'est à dire, que les personnes se retrouvent autour d'une table et vont jouer un rôle dans un univers défini et vont devoir jouer ensemble pour mener à bien une mission, une quête, une enquête, etc. C'est animé par ce que l'on appelle un Maitre du Jeu, en l’occurrence ça sera moi. J'aurai le rôle d'embarquer les joueurs dans une histoire prenante et vivante, mais les joueurs aussi vont participer à cette histoire, ils vont pouvoir décrire leurs actions pour faire avancer l'histoire, jusqu'à même interpréter leur personnage, par exemple en modifiant un peu sa voix, en utilisant des mots différents qu'on n'a pas l'habitude d'utiliser, avoir des tics de langage ou corporels.
Bien évidemment c'est également un atelier thérapeutique, c'est pas pour faire seulement du jeu de rôle, mais pour travailler sur certains points. Par exemple une personne pourrait participer à cet atelier car elle a des problèmes cognitifs ou sociaux et à des objectifs personnels à réaliser à ce niveau. Moi même je me suis lancé dans le jeu de rôle, d'abord en tant que joueur et j'ai moi-même trouvé que c'était génial ! D'abord pour la confiance en soi, l'estime de soi mais aussi l'affirmation de soi ! Mais cela ne suffit pas à devenir Maître du Jeu et faire ce projet d'atelier, il faut donc comprendre comment fonctionne une partie de Jeu de Rôle. Et cela nécessite de faire un gros travail, déjà pour faire une histoire ou en interpréter une, même en modifiant des choses.
Cela nécessite de développer de nouvelles compétences, comme le fait de raconter une histoire (C'est mon plus gros point faible, déjà raconter un film que je viens de voir ou que je connais très bien je suis très mauvais, mais j'y travaille !), d'interpréter des personnages aussi (ça c'est une partie que j'aime beaucoup, même si ce n'est pas toujours évident, je sais très bien faire la voix de gobelin par exemple), de la créativité, mais aussi de la gestion de groupe, c'est à dire faire en sorte que personne ne soit sur la touche, et que chacun puisse s'exprimer et jouer autant que les autres, même les plus réservés ! En disant par exemple "Et toi le guerrier que fais-tu ?" afin d'impliquer au maximum les joueurs. Et que leurs décisions ont du poids et donc des conséquences sur leur environnement. Sinon côté plus perso, de mon temps libre je fais du Jeu de Rôle régulièrement et je travaille sur ce projet, d'ailleurs je viens de tester en tant que Maître du Jeu, le jeu que je souhaite proposer aux usagers de l'hôpital de jour.
J'ai eu de bons retours avec des axes d'améliorations. Sinon je joue aux jeu vidéo, c'est un de mes loisirs, et je me nourrit également de ces jeux (mais aussi de ce que je lis, ou regarde comme film) pour créer des histoires pour du Jeu de Rôle. Et je prends aussi du temps pour travailler pour ma formation, une Licence en sanitaire et social, option Médiateur de Santé Pair, ce qui me permet d'acquérir de nouvelles connaissances afin de mieux accompagner les usagers. Cette formation me permet aussi de faire une rétrospection de mon parcours, de ce que j'ai vécu, ainsi de ce que je peux améliorer. Cela me donne des idées aussi.
De quoi es-tu le plus fier ?
Ce dont je suis le plus fier, c'est de mon parcours de vie. Jamais je n'aurais cru être capable de me relever de ma maladie et d'en vivre au final. Quand je regarde qui j'étais quand j'étais encore sur les bancs de la fac et de ce que je suis devenu aujourd'hui, et bien y a eu du chemin de fait. Ça n'a pas été facile pour en arriver jusque-là, et je sais que dans 1 an j'aurai encore évolué de manière positive. Avant j'étais très défaitiste (bon cela m'arrive encore par moment), mais je garde le smile, ou j'essaie. J'ai depuis développé mon humour et rire c'est aussi une thérapie pour moi. Je me dis régulièrement que j'ai pris une revanche sur ma vie.
Je ne dis pas que tout est beau et rose, mais le plus dur est passé déjà, mais qu'il faut continuer de maintenir la flamme, donc de continuer à faire des choses, que ce soit dans le témoignage dans les médias, mais tester de nouvelle chose, comme le Jeu de Rôle en tant que Maître du Jeu, un nouveau challenge !
À quels problèmes tu fais face au quotidien ?
Au travail actuellement, c'est plutôt d'ordre administratif. Faut savoir que Médiateur de Santé Pair n'est pas reconnu comme un métier, donc ça pose des questions sur ce que j'ai droit ou non de faire. Des problèmes d'accès à des informations. Mais heureusement je suis dans une superbe équipe qui ont de la joie et de la bonne humeur et qui sont soutenant.
D'un point de vue plus perso, déjà c'est ma timidité, j'ai du mal à aller vers les autres, à établir un contact. Je ne sais pas comment m'y prendre. Difficile d'aller aborder une belle inconnue, puis je manque toujours plus ou moins de confiance et d'estime de soi, c'est le yoyo, je peux être dans un bon mood et des fois non. Sinon, ce n'est pas tous les jours, mais cela m'est arrivé d'aller aux urgences et qu'on m'étiquette dès l'entrée en hurlant sur tous les toits "Il est schizophrène" alors que je viens pour une colique néphrétique.
Je me prends la réalité en pleine gueule et je me dis "Mince, y a encore du boulot", mais ce qui est grave dans cette situation-là, c'est qu'on n'est pas pris au sérieux ! Et donc les médecins minimisent ou pensent que c'est la pathologie qui parle. En tout cas on est réduits à une pathologie et du coup on n'est pas soigné de la même façon qu'une personne qui ne présente pas de schizophrénie, ou devrais-je dire on est mal soigné, moins compris, cela peut avoir des conséquences !
Oui ils ont accès à notre dossier, faut savoir que les urgences je connais haha ! Sinon autre difficulté, je déteste faire les papiers administratifs, car je ne suis pas à l'aise avec ça, j'ai toujours peur de faire une boulette qui va par la suite me pénaliser. Y a qu'à voir la déclaration d'impôts quand il faut la faire ! Ben je le fais toujours avec ma maman Haha !
Qu’est-ce que tu fais quand tout va mal ?
J'ai tendance à me couper de tout, je m'isole plus. Je ne réponds plus aux messages, même si de base je peine à répondre à tout le monde. Du coup le chant est pour moi une manière d'extérioriser ce que j'ai en moi, en fait je le fais à chaque fois que je prends ma voiture, je mets de la musique et je chante. Je sais qu'il ne faut pas tout garder en soi. Même si je le fais seul dans ma voiture, ça me fait du bien. Sinon je pars courir dans la nature par chez moi ou bien marcher, je trouve que ça me permet de réfléchir à beaucoup de choses, que ce soit sur des problèmes que je rencontre ou pour trouver des idées, et en même temps je bouge mon corps. Sinon j'évite les situations qui peuvent me rendre mal, certes ont peux pas tout éviter, mais par exemple cela fait des années que je ne veux plus fêter noël. Qui dit Noël, dit famille en général. Et cela fait maintenant 3 Noël que je ne fête plus, cela a été dur pour ma mère qui elle s'acharnait toujours pour que je vienne. Mais moi je ne suis clairement pas à l'aise, cela me fait ressentir des choses que je n'apprécie pas, des bons moments comme des mauvais, un peu la nostalgie. Y a le fait aussi que mon meilleur ami Karl est décédé le 22 décembre 2016, cela joue beaucoup, je pense toujours à lui et à sa famille. Avant quand j'étais gamins, Noël c'était pour moi l'ouverture des cadeaux avec seulement mon frère. Même si on se chamaillait toujours. Il y a quelque chose en moi que je n'arrive pas à expliquer, y a aussi qu'on se rends compte que le temps passe inexorablement, je trouve cela dur. Donc j'évite tout ce qui est fin d'année et début d'année, cela me fait ressentir trop de choses. Je préfère m'isoler, faire mon truc dans mon coin. Sinon j'ai tendance à jouer un peu plus à la console, j'ai besoin de me focaliser sur autre chose pour oublier mon mal tout en étant acteur, car regarder un film c'est passif et ça ne m'aide pas à penser à autre chose. Bon même si des fois les choses sont tellement prenantes que même en jouant à la console il m'arrive de ne pas réussir à décrocher de mes pensées. Sinon je passe du temps avec ma Princesse ! Une Princesse qui s'appelle Fujin, un chat que j'aime beaucoup, elle m'apaise au quotidien, je trouve que ça me permet de tenir un équilibre. La première chose que je fais en rentrant chez moi, c'est de l'appeler dehors ou bien si elle est à l'intérieur de la chercher partout dans la maison et de lui faire coucou et de lui faire des câlins. Un chien aussi c'est très bien, je les trouve plus compatissants que les chats de manière général. Je me souviens qu'une fois chez moi, j'étais en larmes par terre chez moi, et un de mes anciens chats, Chi Bi, est venu me voir pour me réconforter en me faisant des câlins. Je n'oublierais jamais ce soir-là. Ce que j'ai retenu de ce soir-là, ce n'est pas la raison de mes pleurs, car je m'en souviens plus, mais que je pouvais compter sur mon chat quand ça n'allait pas, il a été à ce moment-là super réconfortant, même si on ne pouvait pas toujours se comprendre par la parole, les gestes et les actes eux parlaient.
Merci Maximilien pour ce partage ! On se revoit bientôt sur les bancs de la fac virtuels en visio ? D'ici là, porte toi bien !