Rendez-vous par email : Yves
J'ai rencontré Yves lors de mon séjour à Roz ar Scour (Roz). J'étais presque sur le départ à son arrivée mais nous avons échangé à bâtons rompus sur différents sujets, dont nos pathologies respectives et je garde un très beau souvenir de nos différentes conversations.
Q : Salut Yves, j'espère que tu vas bien. Dis mois, qu’est-ce qui t’as conduit à Roz ?
R : C'est compliqué de résumer en quelques mots, mais disons que pour des raisons diverses (que je n'ai d'ailleurs su et compris que plusieurs années plus tard), une fois le bac obtenu, je me suis complètement effondré, j'ai passé plusieurs années vraiment compliquées à patauger dans la dépression et l'anxiété sociale.
J'ai eu des périodes où j'ai pu avoir l'impression de reprendre pied, mais ça n'a jamais duré bien longtemps, quelques mois tout au plus. Les années passent et vers 25 ou 26 ans je suis suivis psychologiquement depuis plusieurs années je vois régulièrement psychologue et psychiatres, je vais à l'hôpital de jour toutes les semaines, mais malgré ça, je suis à un stade ou je me contente de vivoter, de subir la vie, je suis à ce moment là juste une sorte de passager de ma propre vie et je sais que si rien ne change, je ne me relèverais peut être plus jamais, je sais que j'ai besoin d'aide, mais je ne sais pas sous quelle forme. C'est à ce moment qu'on me parle de Roz, et c'est une opportunité que je saisis alors, mais ça se joue à peu de choses : je sais que j'aurais très bien pu ne pas la saisir si j'avais juste été un peu moins bien à ce moment là.
Dans tout les cas c'est une décision que je ne regrette absolument pas aujourd'hui, ça n'a pas été "Roz" tous les jours (jeu de mot absolument incroyable, t'as vu ?) mais je suis particulièrement fier du chemin que j'ai parcouru là-bas et d'avoir eu le courage de saisir l'opportunité qui m'a été donné, il s'en aurait fallu de peu de choses pour que tout se soit passé différemment.
Q : En général, à quoi ressemblent tes journées ?
R : En général, les matins j'essaye d'aider un peu dans la maison pour les tâches ménagères notamment. Ensuite je passe un peu de temps sur l'ordinateur avant de me préparer pour passer du temps à pédaler sur mon home-trainer (voyez ça comme un vélo d'appartement sauf que c'est un vrai vélo de route branché sur un appareil qui simule la route, les pentes et même les descentes) au finale je pédale en général plus de 15h par semaine. Je passe aussi une demi journée par semaine en hôpital de jour et je vais également à mon club de ping-pong tous les mercredi.
Q : Avec quels outils travailles-tu pour aller vers le rétablissement ?
R : Mon outil principal, c'est sans doute le sport. Que se soit pour me sortir un peu de chez moi ne serait-ce que le mercredi, sur le plan forme, voir un peu de monde et aussi pour le plaisir. Mais ce qui me permet de le faire aujourd'hui, c'est d'avoir retrouvé de l'envie, et de suivre ces envies (quand elles vont dans la bonne direction) et je pense que ça n'aurait pas pu être possible si je n'avais pas été aidé par mon traitement (que je continue de suivre rigoureusement aujourd'hui).
Q : Qu’est-ce qui a particulièrement attiré ton attention récemment ?
R : Rien à voir avec la santé mentale, mais en ce moment je suis avec attention les résultats des courses cyclistes professionnelles, Mathieu van der Poel a été incroyable sur Paris-Roubaix l'autre jour. Et puis chez les jeunes Français il y a d'excellent résultats cette saison (Lenny Martinez, Paul Magnier, Axel Laurance, Romain Grégoire....) !
Q : À quels problèmes tu fais face au quotidien ?
R : Sortir de l'isolement dans lequel je me suis retrouvé à la suite de ces années d'anxiété sociale. De base je ne suis pas très doué pour aller vers les autres, engager la conversation et entretenir les liens que j'ai pu tisser avec les autres.
Devoir repartir virtuellement de zéro à 27 ans ce n'est pas une tâche facile et je ressent toujours cette impression d'avoir pris ce retard sur toute les personnes de mon âge. Mais je reste cependant beaucoup plus optimiste aujourd'hui sur mon avenir à ce niveau que je n'ai pu l'être il y a seulement 2 ou 3 ans.
Q : Qu’est-ce que tu fais quand tout va mal ?
R : J'ai la chance jusqu'ici et depuis ma sortie de Roz en décembre 2023 de n'avoir pas eu de moment où "tout allait mal". J'ai réussi à avoir une forme de recul sur les évènements que je n'arrivait pas à avoir auparavant. Je n'ai malheureusement pas de méthode miracle pour que tout le monde arrive à avoir ce recul, vu que je ne sais moi même pas précisément quel a été le déclencheur chez moi.
Mais je pense que c'est du à plusieurs facteurs, notamment l'expérience, l'aide et le soutient qu'on m'a apporté dans les moments difficiles (un élément crucial qui d'ailleurs aujourd'hui me permet de faire face de façon autonome à des situations qui demandait du soutien pour moi) et le travail que j'ai fais sur moi pendant mon séjour à Roz, ainsi que d'avoir su persévérer et ne pas abandonner quand ça devenait difficile.
Merci pour ton temps Yves ! Je suis content de voir que tu te portes bien depuis ton départ de Roz ! On se revoit lors d'un prochain Apéro-Philo ?